Avant la conquête espagnole
Tout le monde a entendu parler de la civilisation inca. Bien avant elle, d’autres civilisations
ont occupé l’actuel territoire bolivien. Sans remonter jusqu’à l’origine exacte des
premiers habitants des lieux, voici une liste non-exhaustive de ces civilisations.
Vers 1200 avant J.-C. : civilisation des Wankaranis
Les Wankarinis vivaient au nord et au nord-ouest du lac Poopó (aujourd’hui une vaste étendue de sel), dans des habitations circulaires avec des murs en briques de terre recouverts de toits en paille. Ils vivaient d’agriculture et cultivaient la pomme de terre et le quinoa (plante de la famille des chénopodiacées comme l’épinard ou la betterave).
De 1500 avant J.-C. à 1200 après J.-C. : civilisation de Tiahuanaco
C’est l’une des plus marquantes et des plus anciennes civilisations d’Amérique du Sud. « Elle a réussi à s’imposer pendant près de vingt-cinq siècles sans la moindre guerre, provoquant l’adhésion de ses sujets par la force de sa religion et de ses propositions spirituelles et en leur assurant un bien être matériel »* (ce peuple ne connut jamais de période de famine). Elle possédait une organisation politique et idéologique très évoluée (le travail collectif était obligatoire pour l’entretien des routes ou l’édification des temples). Les Tiahuanacos étaient des bâtisseurs hors pair (constructions de complexes mégalithiques impressionnants) et maîtrisaient également la poterie, le travail de l’argent, de l’or et du cuivre sans oublier les mathématiques ou encore l’astronomie. Ils vénéraient le dieu Soleil et la Pachamama, la Terre Mère et déesse de la fertilité. Cette civilisation a brusquement disparu suite à des événements dont on ne connaît toujours pas la nature exacte : terrible inondation ou sécheresse, guerre…
De 1200 à 1450 : les civilisations des Collas et des Chipayas
Après la disparition de la civilisation de Tiahuanaco, un ensemble de petits royaumes s’est développé sur l’Altiplano. L’une des communautés les plus importantes fut celle des Collas, ancêtres des Aymaras. Cette civilisation, moins développée que celle de Tiahuanaco, avait l’habitude de placer ses défunts dans des constructions de trois ou quatre mètres de haut, les chullpas, bâties en pisé ou en pierre et dont les portes étaient toujours orientées à l’est, vers un sommet enneigé. À l’intérieur, les défunts étaient placés en position foetale et recouverts de paille, qui symbolisait le placenta, et les préparait à la renaissance dans un nouveau monde. Près d’eux, étaient déposés vêtements, bijoux et autres biens personnels… qui ont plus tard attiré la convoitise des conquistadores espagnols !
La civilisation chipaya vécut à la même époque. Elle parvint à garder les coutumes ancestrales et le langage (le puquina) des Tiahuanacos en s’éloignant des Collas et migrant vers le salar de Coipasa, une région particulièrement hostile avec ses fréquentes inondations en été et son extrême sécheresse et ses gelées sévères en hiver. Pour s’adapter à ces contraintes climatiques, les Chipayas construisirent des digues pour se protéger des inondations et des systèmes de canalisation sur le fleuve Lauca pour débarrasser les sols du sel puis irriguer les cultures. Ils cultivaient le quinoa, la pomme de terre et l’orge et pratiquaient l’élevage de moutons, porcs, lamas et alpagas. Ils accordaient beaucoup d’importance à la religion, vénéraient leurs ancêtres et faisaient des offrandes au volcan Sajama et au fleuve Lauca afin qu’ils se montrent bienveillants à leurs égards.
1438-1532 : la civilisation inca
Après la disparition de la civilisation de Tiahuanaco, c’est le chaos dans les Andes. Les querelles se multiplient entre Collas, Chipayas et d’autres civilisations. Le Soleil, maître du monde, décide de faire sortir du lac Titicaca ses deux enfants Manco Capac et Mama Ocllo pour ramener le monde à la raison. Il leur fournit une canne d’or pour qu’ils fondent la capitale du nouvel empire à l’endroit où elle s’enfoncerait dans le sol. Les enfants du Soleil partirent vers le nord et s’établirent à Cuzco. Cette ville devient le centre de l’empire inca, empire de l’Amérique précolombienne qui, à son apogée, au xve siècle, s’étendait du nord au sud depuis l’actuelle Colombie jusqu’à l’actuel Chili, sur plus de 4 000 kilomètres.
Cet empire où on parlait le quechua était une monarchie avec un être suprême, Pachacamac, symbolisé par le Soleil, et son fils l’Inca, le représentant terrestre. L’autorité de l’Inca était absolue et s’appuyait sur la caste dirigeante des nobles et des prêtres. Dans les différentes communautés villageoises de l’empire, le travail s’effectuait collectivement dans le cadre d’un ayllu. Les habitants devaient obéir à des règles bien précises : toute désobéissance était punie de la peine de mort. Ils travaillaient sans relâche d’abord les terres du Soleil, puis leurs terres et celles des personnes en difficulté dans la communauté (les veuves ou les infirmes) et enfin les terres de l’Inca. Les récoltes étaient réparties équitablement : à l’Inca afin qu’il puisse nourrir la famille impériale, aux prêtres et aux lieux d’adoration, aux fonctionnaires et à l’armée, et enfin au peuple. Un système très organisé évitait pénurie et famine. Les fameux chemins incas dont il reste aujourd’hui de nombreux vestiges, permettaient aux messagers de l’Empire, les Chasquis, de transmettre très rapidement des informations dans les différentes provinces.
1532-1574
Cette période correspond à la conquête de l’Empire inca par les Espagnols depuis la capture du grand chef Atahualpa en 1532 jusqu’à la fin de la résistance inca en 1574. En Europe, Charles Quint, à la tête d’un immense empire, envoie une poignée d’aventuriers à la conquête du Nouveau Monde : Cortès au Mexique en 1519, Pizarro et Almagro au Pérou quelques années plus tard. Les expéditions de ces conquistadores sont entrées dans la légende… Les Espagnols, pourtant peu nombreux, ont pu anéantir des empires comptant des centaines de milliers d’hommes. Au Pérou, ils ont bénéficié d’un concours de circonstances favorables. Au moment où ils sont arrivés, le peuple inca attendait le retour imminent du dieu fondateur disparu. Ils ont vu chez les conquistadores un signe annonciateur de ce retour… Les Espagnols étaient beaucoup mieux armés que les Indiens : les armes à feu valaient mieux que les flèches et les chevaux, animaux méconnus des Incas, les effrayaient… Au final, les Incas ont perdu leur empire à cause de leur crédulité ou de leurs hésitations. Lorsque les Espagnols ont invité le grand chef inca Atahualpa dans la cité de Cajamarca, ce dernier s’y est rendu accompagné de plusieurs milliers d’hommes désarmés ! Les conquistadores ont fait prisonnier Atahualpa et massacré tous ses hommes. Le grand chef inca a alors proposé de payer une rançon pour sa libération. L’or a afflué de tout l’empire, mais Pizarro a quand même exécuté le chef en 1533. Il a ensuite nommé le demi-frère d’Atahualpa, Manco Capac II, à la tête de l’empire. Mais craignant de perdre le contrôle de la situation, il l’a fait presque aussitôt prisonnier. Manco Capac II s’est évadé et a organisé une armée pour riposter. Malgré leur supériorité numérique, les Incas furent vaincus. Ce fut la fin de l’empire…
* Bolivie. Vision de lumière et d’espace d’Étienne Dehau, Éditions Hermé, 2002
Après la conquête espagnole
1809 – 1825
Les Indiens sont les premiers à initier le mouvement de rébellion qui conduira aux guerres d’Indépendance. L’homme clé en fut le général des armées et homme d’État le Libertador Simon Jose Antonio Bolivar (1783-1830) qui rêvait d’unir les pays d’Amérique du Sud. Bolivar met en place de véritables armées de libération. Il a sous ses ordres le général Antonio José de Sucre qui remporte de nombreuses victoires contre les Espagnols, notamment celle d’Ayacucho, et libère la Bolivie mais également l’Équateur et le Pérou.
1825 (6 août)
L’Indépendance est signée. Le pays s’appelle désormais la Bolivie, en hommage au Libertador.
Sa capitale porte le nom du général Sucre.
1825 – 1889
S’en suit une longue période de forte instabilité politique, de nombreux coups d’État et de révolutions.
C’est l’ère des Caudillos marquée par deux périodes :
- celle des Caudillos Letreros (1825-1848) : le gouvernement reprend l’idée de Bolivar et tente d’unifier Bolivie et Pérou. Il forme, entre 1836 et 1839, un seul pays sous le nom de Confédération péruano-bolivienne, mais cette tentative se solde par un échec ;
- celle des Caudillos Barbaros (1848-1884) : ce nom suffit à traduire le comportement du gouvernement. Le pays est dirigé par l’oligarchie minière de l’argent ; les indigènes perdent leurs terres. La fin de cette période est marquée par la guerre du Pacifique (1879-1884) qui oppose les Boliviens aux Chiliens. Au terme du conflit, la Bolivie cède une partie de la région d’Atacama et surtout, elle perd l’accès à l’océan Pacifique. Ainsi, le port d’Antofagasta devient chilien ainsi que la mine de cuivre de Chuquicamata, la plus grande au monde.
1899
Une révolution éclate dans la région de l’Acre, frontalière avec le Brésil, et en 1903, la Bolivie vend cette région au Brésil lors du traité de Pétropolis.
1903 – 1933
L’instabilité politique est accentuée par la crise de 1929. Après l’argent et l’étain, c’est l’or noir qui devient une source de conflits. Les compagnies pétrolières prétendent que la région du Chaco, au sud-est du pays, renferme de grands gisements, elle devient l’objet de toutes les convoitises.
1933 – 1935
Le président Salamanca engage le pays dans un conflit armé contre le voisin paraguayen : c’est la guerre du Chaco. Le bilan est très lourd avec plus de 60 000 morts. La Bolivie cède cette région au Paraguay. Les deux belligérants découvrent finalement que le Chaco est dépourvu d’or noir ! Avec tous ces conflits, la Bolivie aura perdu, en moins d’un siècle, près de la moitié de son territoire.
1936 – 1952
Les gouvernements militaires se succèdent et se heurtent systématiquement à l’oligarchieminière. Pendant cette période, le Mouvement nationaliste révolutionnaire(MNR) est créé (1941) et la Bolivie est admise aux Nations unies (14 novembre 1945).
1952
Le MNR accède au pouvoir malgré l’opposition de l’armée. À sa tête, le président Victor Paz Estenssoro mène d’importantes réformes : il nationalise les compagnies minières, redistribue les terres, proclame l’éducation pour tous et instaure le suffrage universel.
1964 – 1978
Coup d’État du général Baricentos. Il instaure un régime de dictature qui interdit toutes activités politique et syndicale. En 1966, Ernesto « Che » Guevara crée l’Armée de libération nationale de la Bolivie pour s’opposer à cette dictature soutenue par les États-Unis. Après avoir été fait prisonnier, le Che est exécuté le 9 octobre 1967. Pendant cette période, les putschs militaires se succèdent.
1978
La situation change lorsque le narco trafiquant Luis Garcia Meza prend le pouvoir contre l’avis des États-Unis. Se met alors en place un processus démocratique qui aboutit à l’élection du président Hernan Siles Zuarzo en 1982, après pratiquement 22 ans de dictature !
1985 – 1997
Les présidents se succèdent : Victor Paz Estenssoro revient au pouvoir (1985-1989), Jaime Paz Zamora lui succède (1989-1993), puis Gonzalo Sanchez de Lozada, un entrepreneur minier (1993-1997). Tous mènent une politique de libéralisation de l’économie. Ils luttent contre l’inflation et tentent de réduire le déficit budgétaire en privatisant la compagnie aérienne, les chemins de fer, les compagnies d’électricité et de téléphone, l’industrie du gaz et du pétrole…
2000
Le gouvernement prend deux décisions qui entraînent le mécontentement du peuple bolivien :
- suite à la découverte d’un gisement de gaz naturel dans la région de Tarija, il décide de son exploitation par la construction d’un gazoduc vers la mer qui passe par le Chili. De vieilles animosités se réveillent
- il souhaite privatiser plusieurs entreprises.
Le pouvoir réprimande violemment les manifestants, décrète la loi martiale, arrête les leaders et interdit à toutes les stations de radio d’émettre. La pression du peuple ne faiblit pas et le gouvernement renonce…
2003 (octobre)
Le président Sanchez de Losada est contraint de démissionner. Le vice-président Carlos Mesa lui succède mais il démissionne le 6 octobre 2005. Les protestations, majoritairement indiennes, se renforcent. Parmi les nombreuses revendications, l’une des plus importantes est le retour à la nationalisation des réserves de pétrole et de gaz dont l’exploitation est assurée par les grands groupes américains et européens.
2005 et aujourd’hui
Evo Morales remporte les élections présidentielles avec 53,7 % des voix. Cet enfant du peuple de l’Altiplano, autodidacte et atypique, se revendique avec fierté « indigène aymara ». Dirigeant du puissant syndicat des cultivateurs de feuille de coca, puis président du parti Mouvement pour le Socialisme, « Evo », comme l’appellent tous les Boliviens, a été réélu massivement en 2009 et 2014. En dépit des critiques de ses opposants et une partie de son ancien électorat, il dispose d’une confortable majorité dans les deux chambres du parlement, mais aussi au sein du peuple, qui apprécie ses efforts pour le développement de la Bolivie et sa lutte en faveur des pauvres. Evo Morales a participé, depuis les années 2000, au « retour de l’Amérindien » sur la scène latino-américaine, et – aux côtés des présidents Chavez et Maduro (Venezuela), Correa (Équateur) et Humala (Pérou) – à la construction en Amérique du Sud d’une alternative politique anticapitaliste, opposée aux intérêts des États-Unis. Deux de ses chevaux de bataille emblématiques sont le « Vivre Bien », une philosophie du bonheur par la simplicité et le rapport à la nature, et le droit à la mastication de la feuille de coca, pratique traditionnelle en Bolivie qu’il a défendu jusqu’à la tribune de l’ONU.