Le Wakana, le 6000 le plus méconnu de Bolivie
Début mai, nous étions allés explorer le beau massif du Wakana. C’est un magnifique sommet qui culmine à 6200m d’altitude, voisin de l’Ancohuma. Ce dernier est bien distinct de son voisin. Je ne sais pas pour quelle raison le Wakana n’a pas été reconnu comme faisant partie des « 6000 » de Bolivie. En tout cas, cela faisait des années que je souhaitais venir explorer dans cette belle vallée de la Laguna San Francisco et je ne fus pas déçue. Début mai, le temps était encore un peu incertain. Nous avions eu une journée mitigée pour l’ascension. Un vrai jour blanc. Le temps n’était pas mauvais, mais, des brumes épaisses remontaient des Yungas et enveloppaient le massif. Résultat, nous ne voyions quasiment rien. Par moment tout se dégageait par magie, laissant apparaître une magnifique vallée glaciaire. On y a découvert un lieu magique, de toute beauté, nous étions sous le charme de cette vallée glaciaire. Plusieurs pics somptueux s’offraient à nous. Nous étions en train de monter par une arête Nord-Ouest avant de se rendre compte que ses pentes en glaces étaient trop exposées. Nous étions alors redescendus dans la vallée avant de remonter par une arête Nord-Est. A 100m sous le sommet, une tempête électrique faillit nous électrocuter……et nous dûmes redescendre en catastrophe. Plus de peur que de mal…Ce n’était pas grave, nous allions revenir en juin. Nous avions alors trouvé le chemin de la voie normale. Mais, nous devions encore vérifier la possibilité de proposer ce sommet à des clients. Se lancer depuis le camp de base à 5000m d’altitude, n’était pas raisonnable, trop physique, trop long. Nous avions marché 13 heures avec un dénivelé de 1500m et une distance de 12kms. il fallait trouver une autre solution. Il fallait envisager un camp sur le glacier et pour cela nous devions revenir afin d’en vérifier la faisabilité. Il fallait trouver des porteurs du village capables de marcher sur un glacier, les former à la marche sur glacier, leur trouver des équipements, trouver un camp à mi-chemin du sommet. Il nous fallait aussi un cobaye, une personne jouant le client lambda, avec un niveau moyen. Cette fois-ci, c’est Elena qui servit de cobaye. Elena aime bien marcher en montagne, n’a pas froid aux yeux, elle a déjà fait des courses glaciaires. Elle est évidemment très bien acclimatée, mais ne s’entraîne pas, elle n’a donc pas beaucoup de résistance. Elle sera le cobaye idéal pour vérifier si mon plan est bon pour proposer ce sommet !
Exploration du Wakana pour ouvrir une nouvelle ascension
Nous partîmes le 28 juin, encore sous le charme et la fatigue de notre défi sur la face ouest du Huayna Potosi, grimpée 3 jours plus tôt.
Cette fois-ci, le temps était au beau. Après avoir payé notre droit d’entrée au Malku du village, nous voilà partis pour rejoindre le premier camp. La vallée est toujours aussi belle et la montée se fit tranquille jusqu’au pied du glacier. Cette fois-ci, on montait avec beaucoup de matériel, crampons, chaussures pour tous les porteurs, nourriture et Valeriano comme cuisinier. L’ambiance était bonne. Elena montrait tout de même quelques signes de fatigue et n’avait pas trop d’appétit. Dormir à 5000m n’est pas facile quand on n’est pas habitué.
Le lendemain, nous partîmes pour installer le camp sur le glacier. Tout le monde était motivé et impatient, voire même un peu surexcité.
Une fois au bord du glacier, les choses sérieuses pouvaient commencer. Hugo et Cecilio prirent le temps nécessaire pour former notre brochette de porteurs. Ce fut un grand moment ! Ils étaient très attentifs et assidus…sur un glacier, on ne rigole pas ! ils allaient monter seuls, sans corde….ils devaient être vigilants et ne pas faire d’erreur. Techniques de base, consignes de sécurité……Et voilà que toute notre belle équipe se mit à marcher sur le glacier, certains étaient un peu gauches au début, ne sachant pas trop comment marcher avec ses pics de glace ou comment utiliser le piolet……mais finalement, tout le monde se mit au pas….ils se faisaient même un peu la course sur le glacier, ce fut une bonne partie de rigolade et ils ont tous adoré cette expérience. Notre cuistot Valeriano se voyait déjà guide de montagne….tout ce petit monde progressait à la queuleuleu……Elena, venait d’un pas très lent mais ne nous perdait pas de vue…..nous trouvâmes un replat vers 5560m d’altitude. On avait envisagé de monter 100m plus haut, mais les porteurs commençaient aussi à fatiguer. Et on était très bien là……..on se rendit compte le lendemain que plus haut le plateau était truffé de crevasses….un vrai gruyère.
Les difficultés de l’altitude à surmonter
Elena arriva cependant exténuée et vraiment affectée. Je crois que l’altitude l’avait terrassée. Elle ne pouvait rien avaler et était très faible. Nous nous sommes mis à monter le camp rapidement afin qu’elle puisse se reposer. J’en fis de même.
Pendant ce temps Cecilio emmena Victor, notre jeune porteur, le plus intéressé par une expérience glaciaire. Ils firent un vrai parcours initiatique afin de découvrir le métier de guide de montagne. Je crois que Cecilio y est allé un peu fort, Victor était mort à son retour et surtout, il n’était plus du tout motivé pour faire le sommet avec nous !!! Il ne s’attendait pas à ce que cela soit aussi dur. Après ma sieste, je m’inquiétais de ne pas entendre Elena. Elle est plutôt du style pipelette et a toujours quelque chose à raconter. Et pour raison, elle n’allait pas très fort, avait vomis, se sentait très faible, avait mal à la tête…..bref, les symptômes d’un MAM. Je lui donnai un diamox et elle se força un boire un peu de soupe. Nous étions tous unanimes, si son état de s’améliorer pas d’ici le lendemain, elle ne pourrait pas monter plus haut.
Après une nuit fraîche et peu reposante, le réveil sonna….par miracle, j’entendis Elena parler et rigoler. Même si elle n’avait pas dormi, elle allait beaucoup mieux….j’étais trop contente…nous allions pouvoir monter tous les quatre, et Elena allait avoir sa revanche sur le Chachacomani où elle avait dû abandonner sous le sommet !
C’était parti ! Elena prit son rythme de croisière, lent mais régulier. Cela m’allait très bien car je n’avais pas récupéré des 15 heures sur la paroi de la face Ouest du Huayna…je suivais tranquillement en me calant sur le rythme d’Elena. Je crois que je n’ai jamais autant souffert du froid que cette fois-ci. Cela piquait sérieusement et je sentais une grande fatigue m’envahir. J’avais vraiment du mal à surmonter le froid !! C’est là que je réalisais qu’on aurait dû prévoir plus de temps de récupération….on était là, il fallait aller jusqu’au bout. Puis, le jour a commencé à poindre, on arrivait sous la pente sommitale où on avait dû s’échapper en catastrophe. Je me réjouissais de sentir le soleil me chauffer. Cela faisait déjà 6 heures que l’on marchait et on allait attaquer la paroi sommitale. Nous étions vers 6100m d’altitude et nous avions passé la cordée de Elena et Cecilio. Nous allions ouvrir la trace sur cette pente. Elle n’était pas très haute, environ 80 mètres mais plus la pente se relevait, plus je me disais que Elena n’allait peut être pas pouvoir monter. C’était quand même bien raide pour elle.
Nous progressions tranquillement. Je sentais que mes jambes n‘avaient pas de force, tout mon corps en fait et je demandais à Hugo de mettre une broche à glace. Certes, il ne manquait pas grand-chose, mais entre les passages un peu en glace et mon manque de jus, c’était plus sérieux. Ça y est nous y étions……encore un faux plat et 15 minutes de marche et nous voilà au vrai sommet. C’était vraiment un beau sommet. Je me sentais émue par tant de beauté. On surplombe la vallée de Sorata, l’imposant Aconhuma nous domine de quelques centaines de mètre. On peut observer toute l’enfilade de la Cordillère Royale jusqu’au Huayna et sa fameuse Face Ouest !
Après avoir profité du lieu, nous allions nous résigner à descendre pensant que Elena avait rester au pied de la paroi, quand tout d’un coup, je les ai vu arriver. Que d’émotions !! J’étais folle de joie pour Elena. Elle était allée au bout de ses forces, elle avait dépassé ses limites pour monter sur cette paroi et pour rejoindre le plateau sommital. Chapeau Elena Bravo à toute l’équipe pour la réussite de cette expédition !
Le Wakana est un magnifique sommet qui vaut la peine de le découvrir ! Il offre des vues splendides, il offre un petit passage technique à souhait, un camp haut sur le glacier magnifique, c’est vraiment une belle expérience……et on peut même finir dans les eaux thermales de la Laguna San Francisco. Il est aussi possible de grimper d’autres pics entourant cette belle vallée glaciaire…..tout un programme.